Sur la légalité de l’avis du jury académique de titulariser ou licencier un stagiaire.
Décision du Conseil d’Etat, 3 février 2021 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043096237?isSuggest=true .
Contestant la mesure la licenciant à l’issue de son année de stage effectuée en qualité de professeure certifiée stagiaire, la requérante demandait l’annulation de l’arrêté du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche prononçant son licenciement en excipant de l’illégalité de l’avis défavorable à sa titularisation rendu par le jury académique en raison de l’irrégularité de la procédure qu’il avait suivie.
Le Conseil d’État a jugé que la décision de licenciement constituait l’acte final d’une opération complexe. Le moyen dirigé contre l’irrégularité de la procédure suivie par le jury académique ne saurait donc être regardé comme mettant en cause la légalité externe de cette décision mais relevait de la légalité interne de cette dernière.
Par suite, la requérante était recevable à invoquer pour la première fois en appel ce moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie par le jury académique à l’appui de ses conclusions dès lors qu’elle avait invoqué en première instance des moyens fondés sur la même cause juridique.
Le Conseil d’État a mis ici en œuvre pour le contentieux des licenciements des professeurs certifiés stagiaires sa théorie jurisprudentielle de l’«opération complexe». Il y a opération complexe lorsqu’une décision finale ne peut être prise qu’après intervention d’une ou de plusieurs décisions successives, spécialement prévues pour permettre la réalisation de l’opération dont la décision finale constituera l’aboutissement.
L’opération complexe est le fondement d’une exception à la règle selon laquelle il n’est plus possible d’exciper de l’illégalité d’un acte non réglementaire une fois qu’il est devenu définitif. Le Conseil d’État admet en effet que lorsque des actes forment ensemble une même opération complexe, il est possible d’exciper, contre le dernier acte de l’opération, de l’illégalité des autres actes non réglementaires qui la constituent, quand bien même ils seraient devenus définitifs.
Il n’y a d’opérations complexes que celles qualifiées ainsi par la jurisprudence (cf. C.E. Section, 3 mai 1957, n° 3081, aux tables du Recueil Lebon, p. 278, s’agissant des décisions allant de l’ouverture à la publication des résultats d’un concours ; C.E., 10 février 1992, n° 96124, au Recueil Lebon, s’agissant des décisions aboutissant à la délivrance d’un diplôme ; C.E., 23 décembre 2016, n° 402500, au Recueil Lebon, s’agissant des décisions allant du licenciement de l’agent contractuel à son reclassement).
Si une décision autorisant un professeur stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage ne forme pas avec la décision de licenciement prise au terme de la seconde année de stage une opération complexe (cf. C.E., 7 juillet 2010, n° 330407, aux tables du Recueil Lebon), il n’en est donc pas de même pour l’avis du jury académique qui s’inscrit dans la procédure d’évaluation du stagiaire au titre de l’année de stage concernée et conditionne, à la fin de l’année de stage, sa titularisation ou son licenciement.
Cette décision commentée du 3 février 2021 se place dans le prolongement d’une jurisprudence de 1989 qui avait qualifié la procédure d’évaluation des enseignants stagiaires du premier degré, faisant intervenir une commission d’évaluation du stage, d’«opération complexe» (C.E., 6 janvier 1989, n° 86261, aux tables du Recueil Lebon).